L’absence de circulation des navires de plaisance lors des confinements a eu un impact positif sur la faune, la flore et plus globalement l’ensemble de l’écosystème méditerranéen. Il a en effet comme particularité de se régénérer essentiellement le long des côtes.
C’est la star de la Méditerranée : l’herbier de posidonie abrite plusieurs milliers d’espèces. Une réserve de biodiversité en régression, laminée chaque année par les ancres des bateaux. 10%, c’est la surface que les herbiers de posidonie ont perdue ces 100 dernières années. Une perte colossale pour cette espèce endémique à la Méditerranée, qui subit des dégâts physiques en raison d’aménagements côtiers, du chalutage, de turbidité, d’érosion… Et, bien sûr, des ancres des bateaux !
« On a vu que de grandes zones d’herbiers ont disparu et qu’il y a des traces d’ancres », expose Julie Deter, chercheuse en écologie marine au sein d’Andromède Océanologie. Concrètement, entre 2006 et 2018, 220 hectares d’herbiers ont été détruits à Golfe Juan (l’équivalent de près de 320 terrains de football). Mais aussi, cette fois entre 2010 et 2018, 145 hectares dans le golfe de Saint-Tropez, 37 hectares dans la rade de Beaulieu-sur-Mer et 25 hectares dans la baie de La Ciotat. Ces milliers de mètres carrés mettront plus de temps à repousser qu’il n’en a fallu pour les arracher.
Pour se faire une idée des conséquences de la perte des herbiers de posidonie, il faut se pencher sur leur rôle. « On les compare parfois à la forêt amazonienne, car elles produisent de l’oxygène, stockent le dioxyde de carbone, permettent la fixation des fonds meubles, atténuent la houle et les courants et protègent contre l’érosion », liste Anne Claudius-Petit, présidente de l’Agence régionale pour la biodiversité et l’environnement de Paca. Moins d’herbiers dans la Méditerranée a donc des répercussions en cascade sur l’ensemble des écosystèmes.
L’ensemble des habitats marins concernés
Ces plantes – assimilées bien souvent, et à tort, à des algues – ne sont d’ailleurs pas les seules à subir la pression des mouillages des bateaux. « On s’est principalement concentré sur elles parce que les dégâts sont faciles à montrer et à quantifier. Mais on sait que les récifs coralligènes, par exemple, construits par des algues et qui servent de support à beaucoup d’animaux, sont aussi cassés par les ancres », précise Julie Deter. Ces derniers représentent toutefois moins de 2% des habitats impactés par la grande plaisance, d’après Andromède Océanologie. Un chiffre minime de prime abord, mais aux incidences là aussi en cascade. En effet, plus de 1 800 espèces sont associées aux récifs coralligènes en Méditerranée. Les abîmer revient à toucher entre 15% à 20% des espèces connues dans la Grande Bleue. Finalement loin d’être anecdotique.
Quand la cacophonie sous-marine perturbe les animaux
S’il est prouvé que le bruit sous-marin a augmenté ces dernières années et trouble les animaux, son impact réel sur leur santé reste à définir. La recherche n’en est qu’au début. « Si vous habitez à côté d’une autoroute, vous vivez moins bien qu’à la campagne à cause du bruit généré. C’est pareil sous l’eau », métaphorise Cédric Gervaise, fondateur et directeur de l’institut de recherche Chorus, association spécialisée dans l’observation des environnements marins à partir de l’écoute. Ce bruit modifie le comportement des animaux comme l’explique Alain Barcelo, responsable scientifique au Parc naturel de Port-Cros, en charge notamment du Sanctuaire Pelagos. « Le bruit prive les mammifères marins des émissions sonores, qu’ils utilisent pour compenser leur faible visibilité sous l’eau. Il les stresse, les gêne pour repérer des proies ou des partenaires sexuels ou pour communiquer entre eux ».
Malheureusement, le bruit ne cesse d’augmenter sous l’eau. L’institut de recherche Chorus a calculé le pourcentage de quiétude par jour dont jouissent les animaux marins, à savoir le temps pendant lequel ils vivent dans un relatif silence. « Sur les spots de grosse activité – plaisance, touristique et plongée – le temps de quiétude est de 80% hors saison. Il passe à 20% en pleine saison », alerte Cédric Gervaise. Conséquence de cette chute de la tranquillité : les animaux sont moins attentifs, moins efficaces pour se nourrir, plus agressifs envers leurs congénères. Un constat sans conclusion pour le moment. « On n’a pas la capacité d’évaluer quels sont les effets directs sur la santé des animaux », reconnaît l’expert.