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La Fondation de la Mer défend l’avenir de la Terre

Par la rédaction

Relativement méconnue du grand public, l’organisation multiplie les programmes d’action en faveur de la sensibilisation, de la protection et de la recherche sur les océans. Car la moitié de l’oxygène que nous respirons est produit par le plancton. Environ 30% du carbone émis par l’homme est absorbé par l’Océan. Et quelque 50 millions d’espèces marines restent à découvrir, certaines vitales à l’homme. 
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Regard lagon, gestes chaloupés, pull marin, mèche au vent… c’est peu dire qu’Alexandre Iaschine porte sur lui les attributs océaniques qu’il défend en tant que délégué général de la Fondation de la Mer. Né en juillet 2015 dans le sillage du Grenelle de la mer, ce phalanstère du grand large réunit un équipage de passionnés autour d’une conviction partagée que « la mer est l’avenir de la terre » : explorateurs, navigateurs, scientifiques, officiers de marine, mais aussi entrepreneurs, écrivains et artistes.

Son comité des fondateurs brasse un nombre impressionnant de personnalités à l’humeur nautique : Isabelle Autissier, Gérard d’Aboville, Titouan Lamazou, Yvan Griboval, Maud Fontenoy, Jacques Rougerie, Sylvain Tesson, Nardo Vicente, Brice Lalonde, Claudie Haigneré… Et un comité scientifique porté par Pascale Joannot, ancienne directrice des expéditions scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle.

Un Océan à protéger pour ses nombreuses ressources

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Alexandre Iaschine, délégué général de la Fondation de la Mer ©DR

Pourquoi un tel aréopage ? « Pour protéger le trésor océanique », répond Alexandre Iaschine. « Nous avons tous besoin d’un Océan en bonne santé », détaille-t-il, chiffres à l’appui. En effet, la moitié de l’oxygène que nous respirons – soit plus que toutes les forêts du monde – est produit par le plancton et 30% du carbone émis par l’homme est absorbé par l’Océan. Dans les fonds, sans doute 50 millions d’espèces marines restent à découvrir, dont un grand nombre seront vitales à l’homme. « La moitié des traitements contre le cancer provient déjà d’une molécule issue d’organismes marins », insiste le délégué général.

Ça n’est pas tout : la majorité des humains en dépendent : 60% de la population mondiale vit à moins de 100 km d’une côte maritime et beaucoup dépendent de l’eau désalinisée comme source d’eau potable. Dans ce contexte, la France a une responsabilité particulière : avec 11 millions de km2 océaniques, le pays détient quasiment la moitié de l’espace maritime européen et la deuxième place mondiale.

Mystérieux abysses

La Fondation de la Mer intervient donc dans un large champ d’action. Dans la protection des écosystèmes (à travers le financement de grands programmes). La recherche fondamentale (avec le soutien boursier de jeunes thésards, 27 depuis 2015). Mais aussi l’éducation (145 000 élèves ont suivi un programme pédagogique sur la mer). Ou encore la sensibilisation aux grands enjeux maritimes du futur.

Fin 2021, elle s’est ainsi dotée d’un think tank, Avenir des Mers (voir bonus) auquel participe notamment l’Ifremer pour aider les décideurs politiques à bâtir des stratégies idoines. Dans son premier opus de lobbying, livré l’an passé, elle s’attaque à l’exploitation des grands fonds marins, un territoire « moins connu que la surface de la Lune ».

  • (re)lire : Quand les chercheurs des océans en appellent au grand public

Une cartographie des grands fonds marins

On parle là de trois des cinq zones de profondeur des océans, au-delà de 1000 mètres. L’obscurité y est totale. La pression plus de 100 fois plus élevée qu’à la surface (et jusqu’à 1000 fois dans les zones les plus extrêmes). La température inférieure à 4°C. Pour la première fois, avec ce travail, la Fondation de la Mer en établit une cartographie plus précise.

On apprend ainsi que 88,1% (précisément 320 millions de km2) du plancher océanique entrent dans cette catégorie. Et surprise : la France possède la plus vaste zone économique exclusive de grands fonds marins dans le monde (9,5 millions de km2). « Un véritable Eldorado », commente Sabine Roux de Bézieux, présidente de la Fondation de la Mer. En particulier pour les terres et métaux rares dont la demande mondiale devrait être multipliée par plus de 30 d’ici 2050. Les profondeurs regorgeraient par exemple de cobalt, une matière première jugée critique pour l’industrie électronique, concentrée pour l’heure à moitié dans les mines du Congo.

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« Toutefois, nous ne disposons pas encore d’informations suffisamment précises sur la réalité de ces ressources ni sur les impacts et les développements technologiques qui sont en cours. D’où la difficulté d’évaluer le coût véritable de l’exploitation », souligne Pierre-Marie Sarradin, responsable de l’unité « Étude des écosystèmes profonds » à l’Ifremer.

Bio-inspiration

Certaines curiosités animales des grands fonds intéressent aussi les chercheurs. Notamment ces espèces de poissons ultra-noirs récemment découverts. Comme un trou noir cosmique, leurs pigments parviennent à absorber 99,5% des moindres particules de photons qui parviennent dans les grands fonds. En en couvrant l’intérieur des télescopes, les astronomes imaginent tirer des images encore plus précises du cosmos.

Halomonas Titanicae est un autre précieux objet de recherche. Car cette bactérie halophile, qui se développe dans des environnements riches en sel, a été découverte sur un échantillon de rouille prélevé sur l’épave du Titanic. À 3200 mètres de profondeur. Or, elle métabolise le fer et pourrait donc trouver son utilité dans la bioremédiation des sols pollués.

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Halomonas Titanicae @Lori Johnston, RMS Titanic Expedition 2003, NOAA-OE

La relève des antibiotiques

Le scientifique Kerry Howell de l’université de Plymouth suggère quant à lui que les grands fonds détiennent la clé pour succéder aux antibiotiques. En effet, la dernière classe introduite sur le marché date d’il y a trente ans et favorise l’adaptation des bactéries. Or, selon ses travaux, trois quarts des éponges et des coraux des abysses contiennent potentiellement des composés utiles à la fabrication de nouveaux bactéricides. Alors que le nombre de décès par résistance aux médicaments pourrait atteindre dix millions de personnes par an en 2050 ! « Il est donc urgent pour la France de définir une stratégie d’équilibre entre l’exploitation et la protection des grands fonds », défend Alexandre Iaschine.

Une série de neuf recommandations conclut l’étude de la Fondation, comme le déblocage d’une enveloppe d’investissement pour la recherche. Ou la délimitation de « sanctuaires des profondeurs » totalement protégés. Aucune n’a pour l’heure été suivie d’actions… ♦

Bonus

  • Le think tank Avenir des Mers. Il a été créé en partenariat avec l’Ifremer, l’Isemar (Institut Supérieur d’Économie Maritime), la FMES et l’Institut de l’Océan de l’Alliance Sorbonne Université. Avenir des Mers est co-dirigé par Vincent Bouvier, ancien secrétaire général de la mer et Pascal Ausseur, ancien préfet maritime, directeur général de l’institut FMES (Fondation Méditerranéenne d’Études Stratégiques). De plus, cette initiative a le soutien du Cluster Maritime Français et du Laboratoire de la Blue society. Il étudie des questions maritimes à fort enjeu pour faire des recommandations et poser le débat de façon libre et éclairée.

Chaque année un sujet spécifique fera l’objet d’une publication. La première étude porte sur les fonds marins, sujet au cœur des enjeux d’aujourd’hui, qu’ils soient environnementaux, économiques, stratégiques ou scientifiques. Elle a été publiée au printemps 2022.