Les plaisanciers de Collioure à Menton en passant par la Corse – ils sont 500 000- ont pris au mot Emmanuel Macron en organisant une « Convention citoyenne » le 22 septembre dernier, à Marseille. En sont sorties des propositions concrètes pour protéger la biodiversité et la volonté de coconstruire une règlementation très protectrice du littoral méditerranéen français !
Les clubs nautiques, associations et fédérations de la plaisance forment un écosystème complexe, où enjeux de pouvoir et de représentativité, rivalités, préséances, égos ne simplifient ni le consensus ni le dialogue. Le lieu de cette première convention citoyenne de la plaisance se devait donc d’être neutre et central. D’où le choix du théâtre de la Criée sur le Vieux-Port de Marseille.
Se posait ensuite la question de la représentativité des participants invités. Si le titre donné à cette réunion s’inspirait de celui de 2019 sur le climat (qui avait réuni 150 Français tirés au sort), ici la cible était plus précise. Dans le droit fil de la dernière initiative présidentielle avec son Conseil National de la Refondation (CNR), il s’agit d’anticiper les mesures inéluctables sur l’environnement qui seront prises pour sauver la Méditerranée (mer morte en 2050 selon le GIEC). Mais aussi de pousser des propositions émanant des « utilisateurs/pollueurs ».
Représentativité
Dans la salle, ils sont une trentaine. Et comme pour le CNR (même effectif) ils représentent des associations, des clubs, des fédérations ou des syndicats… Soit un grand nombre de plaisanciers. Surtout, ce sont les forces vives de ce secteur. Ceux qui s’investissent et agissent au sein de commissions et autres structures administratives de gestion des ports ou du littoral.
Michel Lamberti président de la FNS13 (Fédération des Sociétés Nautiques des Bouches-du-Rhône), se félicite de cette démarche, une première ! « Pour une fois que les plaisanciers ont la possibilité de prendre en main l’avenir de la plaisance sans attendre que les règlementations tombent d’en haut, il faut se mobiliser et être des contributeurs. Qui mieux que nous connaît cette Méditerranée sur laquelle nous naviguons et passons un nombre d’heures incalculable ? ». Depuis Montpellier, Serges Pallarès, le président de l’UVPO (Union portuaire des ports d’Occitanie) est à l’unisson. « La prise de conscience est générale. Parce qu’il y a une urgence environnementale et climatique forte que personne, aujourd’hui, ne peut nier. Il y a unanimité pour faire évoluer tout ce qui a un impact négatif sur la Méditerranée. Il faut en profiter ! ».
Constat partagé
Le constat est sans appel. Les bateaux de plaisance polluent parce qu’ils sont anciens (23 ans en moyenne). Parce que les matériaux utilisés, comme les peintures antifouling, sont nocives pour l’environnement. Tous, y compris les voiliers, utilisent des moteurs thermiques générateurs de gaz à effet de serre et rejettent à la mer des hydrocarbures. Mais Justine Viros, ingénieure de recherche en écologie qui en dresse le constat, met aussi en cause les usages et les pratiques des plaisanciers dont les comportements impactent la biodiversité. « Il y a le rejet en mer des eaux usées, des toilettes, des déchets. Les ancres qui arrachent les herbiers. La pollution sonore ou lumineuse… Or la Méditerranée se régénère sur son littoral. Là où se concentrent les 421 000 bateaux de plaisance ».
François Guerquin, le directeur de Plan Bleu, qui participe au programme pour la sauvegarde de l’environnement de l’ONU, précise qu’il faut se fixer des objectifs à court terme pour 2030, et plus long terme, pour 2050. « Nous avons des objectifs de durabilité clairs dans le domaine de la pollution de l’air, de la biodiversité et des déchets. Cette vision et ces objectifs doivent être partagés avec les acteurs ».
Les représentants d’ONG comme Richard Hardouin de France Nature Environnement acquiescent : « La plupart des gens ne font pas exprès de porter atteinte à l’environnement. Ils ne savent pas ! La prise de conscience doit remonter très en amont. Pour pouvoir agir sur l’élaboration des textes avant d’arriver au débat national formel et aux mesures de restriction inévitables ».
Écologie positive
Le refit de la totalité de la flotte est la mesure phare proposée par la convention. À la différence des voitures, changer de bateau se révèlerait être beaucoup trop coûteux et surtout peu écolo-compatible car les vieilles coques ne se recyclent pas. Pour autant, à l’horizon 2030, la circulation à l’énergie propre dans les ports et sur la bande côtière, là où la biodiversité se régénère, a été jugée possible car des solutions technologiques arrivent.
« On peut équiper tous les bateaux de moteurs électriques d’appoint et ça ne coûte pas cher », a expliqué Philippe Lithou. Ce dernier teste depuis deux ans un moteur de triporteur électrique sur sa grosse barque de pêche amarrée dans le Var. Les motoristes présents, comme Jean-Pascal Plumier le président d’OZO, confirment : « Après les moteurs électriques et les batteries pour vélo, nous nous concentrons sur le nautisme. Nous sommes en train de mettre au point des kits à moins de 3 000 euros ».
La motorisation n’a pas été le seul domaine évoqué. Les ateliers participatifs ont débouché sur un véritable catalogue à la Prévert (lire bonus) ! « Et pour cause, il faut répondre à un spectre législatif et règlementaire particulièrement large », explique Grégoire Franc qui suit ce dossier pour NEEDE Méditerranée. « Entre les autorités compétentes (OMI, Europe, État, préfectures, territoires et territoriales pour les aires marines protégées ou parcs nationaux) et les domaines concernés (normes sur les équipements, règlementation des usages), il y a du travail ».
Ne reste plus qu’à !
Ne reste plus qu’à mobiliser les élus au niveau local, régional et national pour qu’ils accompagnent cette démarche et permettent une co-construction des lois et règlementations à venir. Le temps presse car la prochaine séquence clé se jouera en novembre avec la COP 27. Ce sera en Égypte avec la thématique « sauvegarde de la Méditerranée ». La France pourrait profiter de cette tribune pour faire des annonces fortes et montrer la voie en appliquant des mesures sur son littoral.
Il va falloir aussi relancer une filière industrielle de proximité pour reconditionner les 421 000 bateaux. Les chantiers navals vont manquer de main-d’œuvre. Parmi les solutions évoquées par la convention figure ainsi la relance des « écoles de production ». Une filière professionnelle adaptée aux besoins des entreprises.
Autant d’idées, de chantiers à mettre en œuvre rapidement. « Il existe sur le pourtour méditerranéen un vrai savoir-faire maritime que l’on peut mobiliser », a conclu Emmanuel Noutary, le délégué général de l’association Anima Investment Network. Cyprien Fontvielle le directeur général de Neede Méditerranée a rappelé, lui, que sa structure en charge d’Odysséo (le projet lancé par Emmanuel Macron lors du sommet mondial de la diversité à Marseille en 2021) peut servir d’intermédiateur. ♦